Depuis le lancement de Trust Together en novembre dernier, les mots confiance, ambition, reconquête et croissance ont été employés à l’envi, en interne comme dans la presse.
Les salariés ont écouté, observé et ont cherché à se faire une idée plus précise de ce nouveau plan stratégique incluant la création d’une nouvelle compagnie au sein du groupe Air France. Pendant plusieurs mois, il ne s’est quasiment plus rien passé, négociations avec les pilotes oblige. Aujourd’hui, tout le monde est dans le flou.
Trust Together, plan offensif et porteur d’avenir ?
Les élus au CCE ont rapidement voté la mise en place d’une expertise confiée, après appel d’offre, au cabinet Secafi.
Cette analyse, toujours en cours, pointe du doigt le fait que le plan Trust Together, comme les plans précédents, est un plan axé essentiellement sur la réduction des coûts.
La GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) : Cet exercice, obligatoire au regard de la loi, impose à l’employeur de présenter aux représentants des salariés une vision à trois ans des emplois au sein de l’entreprise (évolution des métiers, nombre d’emplois, compétences recherchées, …) qui permet normalement à l’entreprise de disposer des bonnes compétences pour répondre aux évolutions de ses besoins et à l’accompagnement de sa stratégie.
Et c’est là que le bât blesse. Depuis 2012 et les annonces du plan Transform, les différentes GPEC présentées par l’employeur ne poursuivent qu’un seul but : faire baisser la masse salariale. Comme la baisse de nos acquis ne lui suffisait pas, l’employeur a décidé de jouer sur le volume des emplois. Ce sont ainsi 15 000 emplois qui ont été supprimés depuis 2010.
BOOST : ce projet de compagnie bis, censé être le moteur de la reconquête d’Air France, ne détaille pas les ressorts de la croissance annoncée et s’apparente aujourd’hui à un outil défensif destiné à produire des vols moins chers, essentiellement sur le dos des PNC (70% de la baisse des coûts reposent sur les PNC). Ce produit vise à capter la tranche des 18-35 ans (appelés « Millenials »), une population « connectée » qui, faute de moyens suffisants, recherche des tarifs personnalisés en fonction des prestations qu’elle entend consommer. Problème, cette population est très sensible au prix donc plus réceptive à l’offre des compagnies low-cost, ce que n’est pas le projet de compagnie bis qui prévoit des tarifs semblables à ceux d’Air France.
En faisant ses annonces 12 mois avant l’objectif de lancement des vols moyen-courrier et 18 mois avant les vols long courrier, l’employeur prend le risque d’être attendu par les compagnies concurrentes qui s’organisent (Eurowings pour Lufthansa, Level pour IAG, Norwegian, French Blue, …).
Hub de CDG : les études du cabinet Secafi depuis ces 4 dernières années tendent à démontrer que la connectivité du hub, véritable moteur de l’activité Air France, n’a pas été assez développée. En 10 ans, le hub de CDG est passé de la 2ème à la 4ème place en termes d’opportunités de correspondances en Europe.
Pour schématiser, un hub a besoin d’être le plus gros possible pour générer un maximum d’opportunités de correspondances et donc de recettes.
Le hub de Paris, ville la plus visitée au monde, se doit d’être le premier hub européen. Mais la réalité est que CDG, en opportunités de correspondances, a été doublé par Amsterdam, mieux connecté. En termes d’efficience, le hub de CDG est 6ème derrière Londres, Francfort, Munich, Madrid et Amsterdam (source OAG – Airbus). Cela signifie que notre hub possède une marge de progression énorme en croissance et en attractivité, donc en gain potentiel de passagers.
Pour attirer des recettes supplémentaires, il est donc urgent de lancer un vaste chantier sur la connectivité de notre hub, comme l’ont fait toutes les grosses compagnies européennes. Nous accusons un retard à la fois en performance et en croissance. Ceci est particulièrement criant sur les flux en correspondance MC/MC (moyen-courrier) qui stagnent depuis plusieurs années.
En gain potentiel de recettes, cette restructuration du hub est susceptible de rapporter bien plus que la baisse des coûts contenue dans le projet Boost.
Air France-KLM fonctionne en « dual hub », c’est-à-dire avec 2 hubs principaux (CDG et Schiphol). Cette stratégie mérite d’être interrogée. Ce système est unique au monde, les compagnies ou groupes possédant plusieurs hubs fonctionnent en hubs spécialisés par marchés, réduisant au maximum les destinations communes. Air France et KLM possèdent plus de 15 destinations identiques. En clair, nous nous marchons sur les pieds sur certaines destinations.
Conclusion :
La stratégie contenue dans Trust Together ne semble pas au niveau des enjeux qui sont face à Air France. Se concentrer sur la baisse des coûts induit des limites que nous connaissons actuellement : taille de l’entreprise qui diminue, niveau d’activité et chiffre d’affaires en baisse, charges de travail externalisées dont certaines en raison d’un manque d’effectifs, salaires qui stagnent entraînant une démotivation des salariés…
Pour la CGT, la direction doit revoir sa copie et mettre l’accent sur la génération de recettes, notamment par des actions destinées à augmenter l’attractivité du hub de CDG. Elle doit cesser de tout miser sur la baisse des effectifs et sur l’externalisation de charges de travail Air France dont certaines sont un non sens économique en raison des prix élevés pratiqués par la sous-traitance. Sous-traiter tous azimuts n’est pas une solution d’avenir.
Une stratégie qui repose quasi exclusivement sur la baisse des coûts n’est ni opportune, ni porteuse d’avenir, ni génératrice de motivation pour les salariés. Si l’employeur met plus d’énergie pour augmenter les recettes, alors nous aurons alors fait un grand pas vers la confiance tant recherchée et le redressement de l’entreprise.