C’est le 15 novembre dernier que la direction Air France a invité l’ensemble des organisations syndicales, dont la Cgt Air France, pour une journée d’information, sur les “ordonnances travail” et leurs potentiels impacts au sein de notre entreprise. Plutôt qu’un compte rendu rébarbatif et technique, la CGT Air France vous invite à travers ce tract, à suivre la trajectoire possible d’une salariée si les ordonnances, modifiant le Code du travail, étaient appliquées et notre convention collective renégociée…
Florence est chanceuse. A l’âge de 23 ans, elle vient de décrocher un CDD à Air France. Une compagnie aérienne qui effectue des vols commerciaux,transporte aussises passagers en train via Bruxelles, Roissy, Lille et Strasbourg, sur l’ensemble de son réseau et par le biais de ses filiales, de ses co-entreprises.
Un CDD… de cinq ans, qu’elle s’est empressée de signer. Finie, la durée maximale de 18 ou 24 mois pour les contrats à durée déterminée: la branche du transport aérien a décidé de profiter à fond de la nouvelle loi réformant le Code du travail, et de choisir la durée maximale autorisée par la jurisprudence européenne, dernier rempart, désormais, dans ce domaine.
La Responsable des Ressources Humaines a aussi indiqué à Florence que son CDD pourrait éventuellement être renouvelé plusieurs fois, avec un délai de carence réduit au minimum. Pas grave, même si sa banque lui a refusé son prêt immobilier pour manque de visibilité sur son avenir professionnel.
Supprimer la Prime de Fin d’Année & la PUA.
Deux ans plus tard, comme Florence travaille bien, son directeur la convainc de rompre d’un commun accord son CDD et d’accepter un CDI, un CDI « de projet », qui durera le temps du projet. Car là aussi, la Branche du Transport Aérien a utilisé pleinement la nouvelle législation en instaurant des CDI « de projet », dont la rupture intervient avec la fin des tâches prédéfinies dans le contrat. Pour Florence, la « tâche prédéfinie » est la mise en place du Self Boarding et de la Dépose Bagage Automatique, nouvelle version, à l’enregistrement des vols des escales de son secteur, et de plusieurs gares.
Une fois ce “Joon-Checking 2.0” opérationel, le CDI s’éteindra de plein droit. Florence est un peu déçue mais la rémunération continue de la motiver : elle touche une Prime Uniforme Anuelle et une Prime de Fin d’Année.
Sauf que les temps sont durs. La concurrence, surtout dans le monde de l’aérien, est rude. Et les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs de certains financiers,accessoirement boursicoteurs.
Pas très difficile, dans ces conditions, de persuader certains syndicats représentatifs, de signer un accord supprimant
à la fois la PFA, la PUA. Une pratique permise par le nouveau Code du travail, qui a exclu du domaine de la Branche la
plupart des thématiques qu’elle pouvait traiter et imposer à toutes les entreprises de son champ, avant la réforme, dont la Prime de Fin d’Année (CCNTA-PS).
S’aligner sur les autres
Florence est quand même heureuse. Classée Cadre N1.1 avec 390 points (AF), son salaire, 2594 euros bruts par mois, est de 326 euros au-dessus du minimum conventionnel coefficient de branche (300 points CCNTA), référence pour le calcul de l’ancienneté depuis Transform 2015.
Cependant, la Direction informe le personnel via le CSE (Conseil Economique & Social qui remplace en fusionnant les instances représentatives du personnel CE-DP-CHSCT) : la fusion entre le Point-à-Point et HOP! a été actée et il faut harmoniser la grille des salaires.
Qu’à cela ne tienne, la loi permet de négocier de nouveaux accords de compétitivité, où tout ou presque est permis. Finies les garanties de l’ancien monde qui prévoyaient notamment que le salaire ne pouvait pas baisser. Pour “répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise”, ou (au choix) pour “préserver ou développer l’emploi”, la Direction a proposé aux salariés un accord qui réduira la rémunération de Florence au niveau du minimum conventionnel, soit 326 euros bruts de baisse mensuelle.
Nouveau barème aux prud’hommes
Florence reste néanmoins (encore un peu) optimiste. Elle a toujours son boulot. Et depuis huit mois qu’elle bosse en CDI (“de projet”), la quasi-totalité des escales et des gares de son périmètre sont désormais certifiées “Joon-Checking 2.0”, il n’en reste qu’une poignée en attente de transformation.
Sauf que… Florence ne comprend pas, elle vient de recevoir une lettre qui lui annonce la fin de son contrat. “Et les escales, et les gares restantes” s’insurge-t-elle.
Cette fois-ci, c’en est trop pour Florence : Un CDD de cinq ans puis un CDI de projet, la PUA et la PFA supprimées puis la baisse de salaire de plus de 300 euros par mois, et maintenant une fin de contrat vécue comme un licenciement injustifié ?
Comme Florence n’est pas du genre à se laisser faire, elle va saisir les prud’hommes.
Quelques mois plus tard, quand les juges des prud’hommes lui expliquent, elle ne veut pas y croire :Oui, ils auraient voulu sanctionner la Direction. Mais Florence ne pourra pas toucher plus de trois mois de salaire en compensation.
C’est le nouveau barème qui veut cela : avec trente-deux mois de présence dans la boîte, et même si le licenciement est abusif, elle ne peut pas toucher plus de trois mois de salaire brut d’indemnités au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Quelques mois plus tard, Florence n’est plus seule : la Direction a licencié au global, un quart des salariés, dans l’ensemble des secteurs. L’entreprise allait mal, paraît-il. « Trop de concurrence ». Mais en allant aux prud’hommes, les
juges disent qu’ils n’ont plus le pouvoir, avec la nouvelle loi, de juger des difficultés économiques au niveau du groupe.
Florence attend désormais avec angoisse la réforme à venir de l’assurance chômage, prochain dossier social au menu du gouvernement… En désespoir de cause, elle décide tout de même de déposer un dossier à l’armée de l’air, à Jardiland, qui recrutent actuellement…